Un projet chorégraphique avec 15 danseuses et un pianiste
Musique : Bjoern Gottschall
Photographe : Damien Roussel
Chorégraphe : Audrey Joubier
UNE OMBRE DENSE Projetée sur le sol
En dansant par là Je me demande si La lumière dans mon dos Reflète le fond de mon corps.
Unies, dans cette course après le temps, démunies, le souffle haletant, chaque mouvement est singulier dans le dessin de leurs reflets.
Les femmes, leur ombre. Les femmes de l’ombre ou l’ombre des femmes.
C’est sans couleur que je l’aperçois, je la suis à la trace, si légère, sans épaisseur ni matière, c’est pourtant tout le contraire en son for intérieur.
Je la contemple, impalpable, ébloui par cette grâce qui s’entremêle. Combien sont-elles ?
Ai-je vraiment envie de distinguer le grave et le vrai quand tout ce qui m’apparaît n’est qu’illusion et douceur. Elle en joue.
Je m’en amuse. Sa maîtrise du geste enchevêtre mes sens.
Je peux donc perdre, ou me perdre, mais ne la perds pas de vue, car cette envolée, je l’ai déjà connue.
Cette ligne qui se raccourcit à la vitesse d’un rien, un demi-tour, un soubresaut ou un changement d’angle si soudain qu’il vient à déformer ce qui s’était créé dans la lumière par son intensité.
Mais elle, ne s’arrête jamais. Elle est comme la respiration, parfois ensommeillé, car même en apnée l’air demeure vif, sous-jacent, on ne l’éteint pas on apprend à l’observer.
Elle danse, mais ne pense. Sorte de transe qui vient du bas, de ce que l’on appelle instinct. C’est pourtant pour moi un instant divin.
De par ses gestes organiques, tourbillon orgasmique, loin du trop elle se rapproche du rien. Ce dessein si précieux de la beauté absolue qu’aucune peur ne peut gâcher.
Tout ce qu’elle veut, qu’elle semble vouloir à présent, c’est toucher.
Parcourir du bout des doigts la moindre parcelle. Parce que toucher, c’est sentir et ressentir.
Déployant ses jambes immenses, et ses bras, tels des branches, aucun élément ni aucune sensation n’échappe à ses pores.
Devant ce bal des ombres qui caressent, effleurent ou survolent, je sais qu’elle, elle saute, s’écroule, roule puis se relève et elle frappe aussi, cette mesure qui tend à battre plus fort qu’elle.
Tout ne serait qu’histoire de tempo et de cadence, mais la clé pour se décrocher est de se laisser bercer, au gré des variations et des tentations.
Enivré par les rayons, c’est elle mon point fixe, mais à travers son ombre qui m’hypnotise, les halos l’emportent et mes repères se brisent. Elle est l’univers, une lueur universelle.
Anne-lise Fabre